«Les journalistes donnent souvent leur opinion!», me lance une élève lors d’un atelier du CQÉMI offert dans une école secondaire. Ce commentaire, je l’ai entendu à de nombreuses reprises. Petit soldat de l’information factuelle ou polémiste à la radio: on nous met tous dans le même bateau.
Journaliste, chroniqueur, éditorialiste, critique, billettiste, animateur, analyste… Pas facile de naviguer dans le jargon médiatique. Certains portent même plusieurs chapeaux. De quoi alimenter la confusion des genres.
L’abc des genres
Prenons-en trois.
Le journaliste recueille des informations factuelles et prépare un reportage en visant la plus grande objectivité possible. Il ne donne pas son opinion. «L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement, impartiale, équilibrée et complète», rappelle le Guide de déontologie du Conseil de presse du Québec. Par exemple, Thomas Gerbet est journaliste à Radio-Canada.
Le chroniqueur partage son opinion ou son analyse, avec beaucoup de liberté. Il peut signer des reportages à la première personne. Par exemple, Isabelle Hachey est journaliste et chroniqueuse à La Presse.
L’éditorialiste, lui, adopte une vision claire ou une position qui suivra la ligne éditoriale de son entreprise de presse. Brian Myles est journaliste, éditorialiste et directeur du Devoir.
Les faits d’abord et avant tout
Le chroniqueur ou l’éditorialiste peut-il ainsi partager son point de vue comme le ferait un simple citoyen sur Facebook? Non! Lorsque «l’expression des opinions prend une large place, les journalistes doivent tout autant respecter les faits», précise la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) dans son Guide de déontologie.
La démarche doit suivre les règles journalistiques et l’opinion doit être soutenue par des informations vérifiées. Même si la FPJQ et le Conseil de presse n’ont aucun pouvoir coercitif, une faute peut pousser un professionnel de l’information vers la porte de sortie.
Or, tous les chroniqueurs ne sont pas des journalistes. Il y a aussi d’ex-conseillers politiques, des militants ou encore des chercheurs… ce qui fait de la chronique une catégorie ambiguë et surtout, difficile à encadrer.
«Cette hyper domination de l’opinion s’amplifie chaque année. Tout le monde s’exprime sur tout. On a besoin de plus de repères», analyse Thierry Watine, enseignant en journalisme à l’Université Laval depuis 1998. Car la confusion des genres mine la confiance du public. Renforcer les valeurs du journalisme objectif, selon lui, et inclure l’éducation aux médias dans le cursus scolaire devraient faire partie de la solution.
Distinguer les faits de l’opinion
Des repères clairs, il en existe dans les journaux et sur les sites web des grands médias. Les différentes rubriques sont habituellement bien identifiées. On y trouve des bandeaux comme Actualités, Reportage ou Enquête pour le journalisme de faits et d’autres bandeaux comme Éditorial ou Débat pour le journalisme d’opinion.
Mais ce n’est pas toujours évident quand on navigue sur le web où plus de la moitié (52%) des Canadiens s’informent ni sur les réseaux sociaux considérés par le quart (24 %) d'entre eux comme leur principale source de nouvelles, selon le Digital News Report 2021. D’où l’importance d’être capable d’analyser soi-même le type d’information que l’on consomme. Dans les réseaux sociaux, il faut d’abord et avant tout cliquer sur la publication pour remonter à la source afin de vérifier dans quelle section du site web est classé le texte en question.
La meilleure arme? Utiliser son sens critique. Suis-je en train de lire un fait qui peut se vérifier comme une statistique, une date ou un évènement? Ou suis-je plutôt en train de lire une opinion qui, elle, n’est pas vérifiable? Le journaliste de faits adoptera un ton neutre tandis que l’auteur d’un texte d’opinion utilisera souvent un ton plus vindicatif ou émotif, des mots colorés ou encore des pronoms personnels.
Cette excellente (ça, c’est une opinion!) capsule, produite par l'Agence Science-Presse en partenariat avec le CQÉMI (ça, c’est un fait!), vous aidera à mieux distinguer les faits des opinions.
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Sabrina Myre est journaliste et formatrice pour le CQÉMI.